Le territoire de Châteaumeillant est occupé, sans interruption, depuis plus de 2 200 ans. La ville moderne est entièrement bâtie sur la ville antique, et les plus grandes découvertes archéologiques ont souvent été faites dans les jardins des castelmeillantais. Pôle commercial à l’époque gauloise, station routière au carrefour de la voie reliant Clermont-Ferrand à Poitiers à la période gallo-romaine, Châteaumeillant reste encore une ville importante durant le Moyen-Âge. Le riche patrimoine qu’elle possède en témoigne.
La première occupation de ce grand promontoire encadré par deux rivières remonte à la fin du IIIe siècle avant J.-C. Ces Gaulois, qui font partie du peuple des Bituriges Cubes, fondent la ville de Mediolanum. Très tôt, les habitants développent un important commerce de vin avec l’Italie. Près de 600 amphores ont été découvertes à Châteaumeillant attestant de l’importance de ces échanges !
Dès les années 100 avant J.-C., la ville se dote d’un rempart de type murus gallicus probablement long de 2,5 kilomètres, qui devait entourer les 25 hectares de l’oppidum.
Les fouilles révèlent le mode de construction très particulier de cette première fortification. « Ce rempart a été bâti en terre avec des poutres en bois croisées à l’intérieur. Devant ce rempart, un mur aurait été édifié pour donner l’illusion d’une fortification faite entièrement en pierres. »
Mais les armées de César qui menacent le centre de la Gaule cinquante ans plus tard, vont pousser les Gaulois de Mediolanum à renforcer leur défense en construisant un rempart de terre massif par-dessus le premier rempart. Cette défense de 600 m de long très dissuasive pouvait atteindre 17 mètres de hauteur pour 30 mètres de largeur. Elle était complétée par un fossé de protection de 45 mètres de large ainsi que la présence d’un cours d’eau.
Mediolanum fit probablement partie des vingt villes bituriges incendiées sur les conseils de Vercingétorix (pratiquant la politique de la terre brûlée) décrites par César dans la Guerre des Gaules.
De l’époque Gallo-Romaine, on ne connaît pas grand-chose car aucune structure en dur ne semble avoir été conservée. En revanche, la présence de nombreux puits et la mention de Mediolanum sur la carte de Peutinger (copie médiévale d’une carte romaine) soulignent le rôle de station routière que jouait la ville à cette époque. La toponymie castelmeillantaise a fait perdurer dans les mémoires le passé antique de la ville ; on trouve ainsi, dans sa partie Sud, la « Rue du Camp Romain » et à deux pas, « la rue de la voie Romaine ».
Si cette période vous intéresse vous pouvez en savoir plus en allant visiter le musée de France Emile Chenon
Le saviez-vous ?
Lors du réaménagement de la Place du Docteur Guyot de nombreux puits antiques ont été mis au jour. Vous pouvez en apprendre plus sur l’énigme des puits de Châteaumeillant grâce au support d’information présent sur la Place.
Au Moyen-Âge, un premier bourg se développe sur l’oppidum. La ville est toujours prospère et s’organise en Castrum autours d’une motte féodale (encore visible près du Musée E. Chénon) puis d’un véritable château sur le site actuel. Ce bourg castral dispose d’une église et de fortifications.
En parallèle, un second village s’organise en contrebas à l’Est autours de l’église Saint-Genès (Faubourg St-Genest). La rivière de la Goutte Noire sépare les deux bourgs.
Pour avoir un aperçu de l’architecture médiévale tardive castelmeillantaise vous pouvez vous rendre rue de la Victoire. Le « Petit Château » est un manoir de la fin du XVe siècle, remanié au XVIe siècle ; véritable écrin pour le musée Émile Chénon ; des décors peints de cette époque subsistent à l’étage sur certains murs et plafonds.
Hormis cet exemple exceptionnel, l’architecture médiévale castelmeillantaise est difficile à discerner, les éléments d’époques étant intégrés dans des bâtiments plus modernes à l’exemple de la maison située au n°8 de la rue Zoé Berger. De la construction d’origine ne subsiste ici que la tourelle d’escalier, la demeure actuelle date de la seconde moitié du XIXe siècle.
Le château des Seigneurs De Déols
C’est Ebbes II De Délos, seigneur de Châteaumeillant, qui débute sa construction en 1152, suite à la prise de la ville brûlée par les troupes de Louis VII. La motte est alors abandonnée au profit d’un donjon de pierre situé à l’Ouest de la ville. C’est sans doute à cette époque ou au cours du XIIIe siècle qu’un nouveau rempart de pierre, entourant la partie Nord de l’ancien oppidum, remplace l’enceinte de bois. Autour du donjon de pierre le site castral se développe. On retrouve la trace de cette enceinte médiévale disparue dans la toponymie de la ville ; c’est la « Rue des Remparts » qui borde notamment l’ancienne motte féodale.
Le château est alors entouré de murs et de fossés profonds. Le pavillon d’entrée date des XVIe et XVIIe siècles et fut plusieurs fois reconstruit. Le donjon du Château a été détruit à la révolution (sa motte est encore en place). En 1793, on comble les fossés et on installe une chaussée à la place du pont-levis. On peut voir encore aujourd’hui les rainures où passaient les barres du pont-levis pour les charrettes et une passerelle pour les piétons.
À l’Ouest se trouvait la tour César. Cette tour de plan carré mesurait 25 m de haut, 15,5 m de côté et avait des murs épais de 5 m. Au XVIIe siècle, celui-ci était surmontée d’une figurine en plomb recouverte de cuivre doré (la fée Mélusine), dont le poids devait avoisiner les 7 000 livres.
Le saviez-vous ?
Pour des raisons pratiques et symboliques il est courant de dénommer les tours d’un château selon le nom de l’un des 9 Preux. En 1393 Louis d’Orléans fait construire le château de Pierrefonds dont les neuf tours portaient chacune le nom d’un Preux.
« Neuf Preux » est l’expression sous laquelle le lorrain Jacques de Longuyon, s’inspirant de La Légende dorée de Jacques de Voragine, a pour la première fois regroupé neuf héros guerriers, païens, juifs et chrétiens, qui incarnaient l’idéal de la chevalerie dans l’Europe du XIVe siècle.
Ensemble, les Neuf Preux incarnent toutes les vertus du parfait chevalier ; il s’agit de conquérants issus d’une lignée royale, qui furent pour leur nation une source d’honneur et de gloire et qui se distinguèrent par leurs faits d’armes.
Hector (de Troie), Alexandre le Grand, Jules César, Josué, Judas Maccabée, Le Roi David, Le Roi Arthur, Charlemagne et Godefroi de Bouillon
Châteaumeillant possède deux édifices majeurs de l’art roman. Notre Dame la Petite est une église romane, à l’origine chapelle des seigneurs de Châteaumeillant. Édifiée entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle comme chapelle du château.
L’église Saint Genès, chef d’œuvre de l’art roman est construite aux XIe et XIIe siècles en dehors du Castrum, à l’endroit probable où fut martyrisé Saint Genès en 258, d’où son nom. De modestes petites chapelles existaient sur le territoire de la ville de Châteaumeillant mais elles ont disparu au fil des siècles.
Pour en savoir plus : Lien vers page Chapitre, lien vers page Eglise
Le saviez-vous ?
Si vous décidez de vous unir à Châteaumeillant, votre mariage civil se fera sous les bons auspices de voutes pluri-centenaires. L’élégante salle des mariages de la ville est lovée dans le transept du Chapitre.
Le blason de la ville reprend les armoiries des comtes de Châteaumeillant. Sous une couronne comtale, nous retrouvons l’alliance des armoiries de quatre familles de la noblesse :
En héraldique, il n’est pas rare, qu’au fil du temps et des individus, le blason puisse varier par quelques détails. Ainsi, dans les exemples anciens présents sur les édifices religieux de la ville, nous trouvons une permutation, des 2ème et 3ème quartier. De plus, nous avons une croix non alésée (c’est à dire touchant les bords).
Sur cet exemple les colonnes blasonnées du Chapitre nous avons ainsi :
Le premier comte de Châteaumeillant (année 1644) Jean Fradet de Saint-Août épousa Marie-Jeanne de Saint-Gelais de Lusignan. La famille de Lusignan revendique une filiation avec la fée Mélusine, c’est pourquoi le blason complet des comtes de Châteaumeillant est couronné avec un cimier présentant la fée Mélusine dans son bain. Les lions encadrant le blason sont les « supports » de la famille Fradet. On trouve ainsi leur blason aux 3 fers de lance, encadré de lions, à demi-effacé sur les murs de l’église de Châteaumeillant.
Mélusine est dénommée Merlusine par les Lusignan afin de justifier plus facilement de leur filiation avec la fée ; Merlusine prenant ainsi le sens de « Mère des Lusignan ».
L’histoire de Mélusine est immortalisée en prose par Jean d’Arras, dans son roman Mélusine ou la noble histoire des Lusignan qu’il offrit le 7 août 1393 au duc Jean de Berry, frère du roi Charles V.
Lorsque Raymondin rencontre la fée Mélusine, il vient de causer accidentellement la mort de son oncle, au cours d’une chasse au sanglier. Fou de douleur, il part au galop, se laissant conduire par son cheval. À minuit, il arrive près d’une source que l’on appelle la Fontaine Enchantée. Trois demoiselles se baignent dans la fontaine mais il passe au galop sans les voir. La plus belle des trois saisit alors la bride du cheval et lui promet de faire de lui le plus grand des seigneurs s’il l’épouse. Il y a une unique condition, qu’il ne cherche jamais à la voir le samedi.
Raymondin épouse la dame mystérieuse et devient seigneur de Lusignan. La prédiction se réalise et la famille devient puissante et forte d‘une nombreuse et longue descendance.
Raymondin respecte sa promesse de ne pas chercher à voir Mélusine le samedi jusqu’au jour où son frère vient lui rendre visite. C’est poussé par les insinuations de son frère à la langue de vipère que Raymondin transgresse l’interdit. Pour mettre un terme aux calomnies et aux rumeurs il finit par rompre son serment et espionne sa femme alors qu’elle prend son bain.
C’est alors que « il vit Mélusine dans le bassin. Jusqu’au nombril elle avait l’apparence d’une femme et elle peignait ses cheveux ; à partir du nombril elle avait une énorme queue de serpent , grosse comme un tonneau pour mettre les harengs, terriblement longue, avec laquelle elle battait l’eau qu’elle faisait gicler jusqu’à la voûte de la salle. » (Jean d’Arras, trad. M. Perret, op. cit.)
Brisée par la douleur de la trahison, Mélusine s’enfuit par la fenêtre en prenant la forme d’un serpent ailé, déchirant le silence d’un cri perçant. Un immense chagrin envahit aussitôt Raymondin. Plus jamais il ne reverra Mélusine sous forme humaine.
Le saviez-vous ?
Mélusine est souvent représentée avec des ailes de dragon (afin de pouvoir s’enfuir par la fenêtre en volant), elle est aussi parfois confondue avec une sirène, ainsi parée à tort d’une queue de poisson comme pour la sculpture dorée du beffroi de Bailleul.
Mélusine elle est très souvent représentée dans son bain tenant un miroir.
Le saviez-vous ?
L’on raconte que la fée Mélusine apparait encore aux pêcheurs les plus matinaux quand le brouillard se lève sur l’étang Merlin de Châteaumeillant.
Dans l’église St-Genest, on retrouve deux femmes à queue de serpent comme « supports » du blason des comtes de Châteaumeillant. Presque effacée, surmontant la couronne en cimier, nous avons très probablement (comme il est d’usage chez les St-Gelais Lusignan), une mélusine à double queue serpentine, dans son bain et tenant un miroir.
Sauriez-vous retrouver cette représentation du 17eme siècle ?
Le saviez-vous ?
En Berry, les épis de faîtage sont dénommés merlusines en référence à la légende de Mélusine s’enfuyant depuis sa fenêtre. A Châteaumeillant, il en existe des dizaines de modèles différents, du plus simple au plus ostentatoire.
La révolution s’attaquait aux biens de la noblesse et du clergé ; le château fut déclaré carrière publique et la statue de Mélusine fut démontée. Le clocher de l’église fut détruit et celle-ci pillée.
Une des tours du clocher et la flèche de Notre Dame la Petite furent démontées pour construire « l’autel de la Patrie » et ce lieu de culte fut désaffecté/désacralisé pour d’autres usages (mairie, marché couvert et même prison !)
Certaines maisons anciennes de Châteaumeillant abritent ainsi des éléments décoratifs de réemploi issu de ces « pillages ».
L’exemple le plus spectaculaire se situe à proximité de l’actuelle bibliothèque municipale. Il s’agit d’un acrotère supportant le blason de Jean d’Albret (issu probablement du Chapitre).
Blason de la famille Albret-Orval : écartelé, au premier et au quatrième d’azur à trois fleurs de lys d’or ; au deuxième et au troisième de gueules à la bordure engrêlée d’argent. La bordure engrêlée d’argent est une « brisure » indiquant la branche cadette de la maison d’Albret.
Le blason porte la couronne comtale avec une grue pour cimier. On remarquera que le blason est entouré du collier de l’ordre de St-Michel fondé en 1469 (pauvre Mélusine, quelle ironie !). Sous le blason, le petit personnage casqué brandissant une épée est St-Michel, c’est une partie du collier de l’ordre.
Le saviez-vous ?
La famille d’Albret connut l’un des destins les plus brillants du royaume de France. Le roi de France Charles VI éleva Charles Ier d’Albret à la dignité de connétable de France en 1402 et lui permit de combiner le blason des rois de France au sien. En l’espace de quelques siècles la famille d’Albret sut s’élever jusqu’à la souveraineté de Navarre, avant d’être absorbée à la fin du XVIe siècle par la maison de Bourbon.
Jean d’Albret est le petit-fils du connétable Charles d’Albret mort à Azincourt en 1415, la famille possède des biens considérables en Berry, dont Orval et Châteaumeillant distantes d’une trentaine de kilomètres. La ville de Châteaumeillant a eu comme seigneurs les plus grandes familles de la noblesse françaises.
Il existe de nombreux éléments plus discrets intégrés dans les maisons castelmeillantaises, sauriez-vous en retrouver quelques-uns ?
Pendant cette période Châteaumeillant a connu un essor important de sa population passant de 3000 habitants en 1850 à près de 4000 à son apogée en 1900.
Il ne demeure que peu de traces de la présence d’industrie à Châteaumeillant, la ville a toujours privilégié sa vocation agricole et commerciale. Il existait quelques fours à chaux (datés pour deux d’entre eux 1861 et 1880) mais leur activité à cesser au début de la seconde Guerre Mondiale.
Au XIXe et au début du XXe siècle le Champ de Foire (actuelle place de la Résistance) accueillait les foires aux bestiaux à l’occasion de grands rassemblements. En lien avec cette activité sera créé bien plus tard, en 1927, des abattoirs modernes en dehors de la ville.
Le commerce du vin sera favorisé par le développement rapide du chemin de fer. D’un produit de consommation local, le vin devient un produit d’exportation dès 1830. Un demi siècle plus tard sera édifié la gare de Châteaumeillant en 1884. Cette gare est aujourd’hui détruite, à son emplacement s’élève maintenant le marché au cadran.
La prospérité de la ville a permis à ses notables d’édifier de belles demeures. A l’écart du centre-ville, on citera le « Château de la Ragoterie » en 1863 à l’emplacement d’une ancienne ferme ainsi que la « Villa du Paradis » un pavillon de chasse au nom évocateur daté de 1825 possédant notamment un grand verger.
C’est autour de la Place Guyot (lieu abritant le château comtal et le Chapitre) que l’on trouve les plus belles demeures de la ville comme au n°19 avec une maison de maitre de 1860. La place du Docteur Guyot forme un ensemble remarquable de la seconde moitié du XIXe. Les immeubles à étage comprennent généralement un commerce en rez-de-chaussée.
Ici plus qu’ailleurs à Châteaumeillant, la bourgeoisie commerçante de la ville a pu afficher sa prospérité et sa modernité comme au numéro 11 de la place dont le commerce est magnifié par une élégante marquise de fer forgé. Aujourd’hui, cet édifice de 1878 au charme certain, attend le commerçant qui lui redonnera toute sa splendeur.
C’est le début du commerce moderne, l’avènement des « grands magasins » même dans cette petite ville. Un autre « grand magasin », aux ferronneries très similaires existait au n°25, les « Nouvelles Galleries », malheureusement son décor n’est plus visible aujourd’hui. Nous ne pouvons l’apprécier qu’au travers de rares cartes postales anciennes.
Le saviez-vous ?
Dans cet ensemble de la seconde moitié de 19ème siècle, se trouve aussi des bâtiments remarquables, caractéristiques d’autres périodes :
Au numéro 26 de la Place du Dr Guyot, face au château, nous pouvons voir une maison de notable portant fièrement la date de 1780 au-dessus de sa porte. En dépit de sa façade sans grande particularité architecturale ou ornementale, cette demeure offre un rare témoignage de son époque. L’intérieur a conservé la plupart de ses éléments d’origine dont une vaste cheminée à l’étage. Cette demeure abrite actuellement un gite et une galerie d’art.
L’hôtel du Chapitre, dans le plus pure style Art-Déco, contraste élégamment avec l’ancienne église romane proche. Cet hôtel-restaurant fut le lieu incontournable des festivités de l’entre-deux guerres à Châteaumeillant, de nombreuses histoires circulent sur ce que l’on y faisait à l’époque. Ce bel-endormi attend trouver la personne providentielle qui le fera revivre.
Pendant l’Occupation, les castelmeillantais ont protégé une quarantaine de familles juives qui s’y étaient réfugiées, en les cachant et en les soustrayant aux poursuites des autorités de l’État français ainsi que des troupes d’occupation allemandes.
Aujourd’hui deux plaques commémoratives, apposées sur l’une des façades du Chapitre, place de la Mairie, rappellent le courage et l’engagement de certains durant cette période tragique de l’Histoire de notre pays.
La ville a été admise au réseau « Villes et Villages des Justes de France », en juin 2022.
Si cette période de l’Histoire vous intéresse, vous pouvez visiter le Musée de la résistance et de la déportation à Bourges.
Le saviez-vous ?
Le monument au mort de Châteaumeillant fut érigé en 1922. Il représente « une Berrichonne debout, appuyée sur une stèle au milieu de laquelle se trouve un médaillon représentant la tête d’un poilu, ainsi qu’une couronne, le tout en bronze » .